4.12.09

Par la fenêtre du train...

En voyageant dans un train indien, vous pouvez choisir de regarder les paysages qui s'offrent à vous ou de focaliser sur la saleté de l'appui de fenêtre, des rideaux, du porte-bagages... Voyager, c'est regarder par la fenêtre tout le temps, même si parfois votre attention se porte sur des détails.

Les paysages sont souvent magnifiques et le plus souvent nos photos essaient de vous les faire partager. Parlons de ce qu'elles ne montrent pas.

"Sur quoi jugez-vous que le pays est pauvre? nous demandait hier soir un des Indiens qui nous a chaleureusement accueillis. - Au nombre de mendiants?"

Bonne question si l'on prend le temps d'y réfléchir... la notion de pauvreté comme celle de richesse est très relative finalement. Et certaines évidences sont parfois difficiles à expliquer. Arriver en Inde -dont on attend tout et n'importe quoi au sujet de la pauvreté tant elle est réputée pour ses bidonvilles- aide toutefois à mettre en perspective certains aspects de ce qu'est vraiment un pays pauvre.
7 jours dans la capitale du Népal, quelques heures dans la capitale de l'Inde.Si la pauvreté en Inde n'est hélas pas qu'un mythe, certaines évidences crèvent toutefois le coeur quant à la pauvreté du Népal dont on n'entend jamais parler. Et croyez le ou non mais l'Inde fait figure de nantie à côté de ce pays. Elle finance d'ailleurs des projets de reconstruction du Népal....

Des enfants qui courent pieds nus, des portes de maisons ouvertes sur des feux de bois à même le sol, des ordures partout dans la rue, des estropiés, des gens qui réclament de l'argent pour manger, des habits sales, troués, trop petits... oui... et puis? On connaît, on sait ce que c'est que la pauvreté. En France aussi on a nos mendiants!

Ce qu'on n'a pas c'est l'équivalent de 600€ de dédommagements pour une personne tuée sur la route lorsque le risque que ça arrive est certainement 50 000 fois supérieur à celui de notre pays.
Ce que l'on n'a pas ce sont des écoliers considérés comme aisés parce qu'ils vont dans des écoles privées, tellement privées que les parents paient même le formulaire d'inscription, qui portent aux pieds des chaussures 3 ou 4 pointures trop grandes pour eux et dans leurs bras des livres dont on n'oserait à peine les feuilleter de peur de les voir s'émietter entre nos doigts.
Ce que l'on n'a pas ce sont des routes qui ressemblent à des pistes au coeur même de la capitale et des véhicules rouillés, troués, trop petits...eux aussi, soudés et resoudés, rafistolés, réparés à l'aide de pièces que nous n'achèterions même pas dans une casse automobile! Chaque kilomètre que font ces cercueils roulants sans tuer 10 personnes relève du miracle. J'ai assisté à la réparation de plaquettes de frein... J'éclairais les mains du mécanicien avec la lampe frontale pendant la réparation de notre pick-up entre la frontière chinoise et Kathmandu... j'ai vu la roue démontée, les "nouvelles" plaquettes de frein, le serrage de boulons...
Ce que l'on n'a pas, c'est des enfants, des vieillards, des jeunes hommes fringants (plus pour longtemps!) accrochés sans peur ou rompus par l'habitude à l'arrière de ces véhicules, sur le toit, sur les côtés sans aucune protection. Percuter l'arrière d'un minibus revient à briser les jambes d'un adolescent!
Ce que l'on n'a pas c'est des coupures de courant quotidiennes de 2h à 3h pour pourvoir aux besoins du géant Indien qui achète l'électricité, au détriment de la chaîne du froid, des problèmes de santé, de la pollition additionnelle créée par les générateurs de secours qui fonctionnent au pétrole.
Ce que l'on n'a pas, c'est un aéroport qui enregistre les passagers à la main sur un cahier, un taux d'illettrés de 50%, à chaque coin de rue des quintes de toux qui font frémir tant on a l'impression que les bronches vont saigner à s'efforcer d'expulser l'air empoisonné, un taux à desespérer d'estropiés, de sous-alimentés, de gens qui ont perdu la vue ...peut-être à force de souder et resouder sans protection.
Ce que l'on n'a pas c'est des gens assis à même le sol au bord de la route occupé à casser des cailloux en cailloux plus petits pour la construction de la nouvelle autoroute, des ouvriers qui ont les mains directement dans le béton au bout de leur pelle pour ..le trier ...ou le tasser... ou dieu sait quoi d'autre...
Ce que l'on n'a pas, ce que l'on a plus, ce sont les préoccupations basiques qui consistent non pas à savoir ce que l'on va manger, mais si on va manger. Pas si on se lave avec de l'eau chaude mais si on a de l'eau. Pas si notre boulot est épanouissant, ni même si on gagne de l'argent... pas même de savoir si on va en trouver un... juste de savoir tout ce qu'on peut faire pour gagner quelques roupies,comme porter à dos d'homme des colis de deux bidons d'eau (ceux des fontaines dans nos bureaux dont on a tant de mal à trouver de galants volontaires pour juste changer le bidon vide!) même s'il faut se rendre en haut du temple des singes que les touristes grimpent en 3 pauses tellement c'est haut!
Ce que l'on n'a pas c'est -il y a encore quelques années à peine- des coups d'Etat accompagnés de leur cortège de victimes dont personne n'entendra parler parce que finalement..... qui s'intéresse au Népal? On est bien trop préoccupé par les Chinois, les Indiens et les Tibétains...
C'est facile de le mentionner... surtout quand les paysages défilent si vite et que les misères, les poussières, les détails comme le Népal, laissent place à de nouvelles merveilles à travers la fenêtre du train.

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